QU'EST-CE QUE LA RéSISTANCE à L'INSULINE, QUI SERAIT EN CAUSE DANS 90 % DES MALADIES CHRONIQUES ET êTES-VOUS à RISQUE ?

Un chercheur américain met en garde contre ce fléau qui peut précéder de quelques années l’apparition d’un diabète. La bonne nouvelle, c’est qu’un mode de vie sain permet d’inverser la tendance.

Un mal insidieux toucherait une personne sur trois selon le chercheur américain Benjamin Bikman : la résistance à l’insuline. Ce spécialiste des troubles métaboliques sort un livre pour mettre en garde contre cet ennemi invisible, qui serait à l’origine de 90% des maladies chroniques. Le Pr Philippe Froguel, professeur de diabétologie au CHU de Lille, fait la lumière sur ce mécanisme mal connu.

Le rôle de l'insuline et quand son mécanisme dérape

L’insuline est une hormone fabriquée par le pancréas. Lorsque l’on consomme des aliments qui font grimper la glycémie, le pancréas libère de l’insuline. Son rôle est de permettre au glucose de rentrer dans les cellules pour être utilisé comme carburant. En cas de résistance à l’insuline, les récepteurs de cette hormone, présents dans presque toutes les cellules, fonctionnent moins bien. Le pancréas se met alors à produire davantage d’insuline qui s’avère de moins en moins efficace. Un cercle vicieux s’installe. Le taux de glucose s’élève finalement dans le sang, ce qui peut conduire au diabète de type 2.

Comment nos cellules deviennent-elles résistantes à l’insuline ?

Le principal responsable est l’âge. "En vieillissant, les mécanismes cellulaires fonctionnent moins bien" note le Pr Philippe Froguel. Mais d’autres facteurs entrent en jeu "Il a été montré que l’inflammation diminuait l’efficacité de l’insuline. Dans l’obésité, le surpoids, c’est l’inflammation généralisée au niveau du tissu adipeux qui rend l’insuline moins efficace. Dans d’autres maladies inflammatoires, on constate aussi une résistance importante à l’insuline : le syndrome des ovaires polykystiques ou encore la maladie de Crohn". Enfin ce mécanisme est aussi favorisé par le mode de vie : alimentation déséquilibrée riche en graisses animales inflammatoires, sédentarité…

Quelles maladies peuvent se déclarer à cause de l'insulinorésistance ?

De nombreuses maladies chroniques peuvent découler de cette résistance à l’insuline, estime le chercheur. Et pas seulement le diabète de type 2. "La résistance à l’insuline affecte la santé du cœur", décrypte le diabétologue. "Avec la combinaison surpoids, vieillissement, résistance à l’insuline, les cellules adipeuses débordent et les graisses se déposent dans le tissu graisseux viscéral, qui devient très inflammatoire, ou dans les artères, le foie…" Ce qui peut déclencher des maladies coronariennes. La résistance à l’insuline peut également favoriser certains cancers. L’insuline étant une hormone qui permet aux cellules de se multiplier, elle favorise le développement des cellules cancéreuses. "Cela a été bien montré dans le cancer du côlon, du sein, ou encore du pancréas", note le le Pr Froguel.

Un mode de vie sain pour contrer les effets de la résistance à l'insuline

La bonne nouvelle, c’est que par quelques changements de mode de vie, on peut inverser le processus.

Bouger. Le simple fait de pratiquer une activité physique améliore la sensibilité de l’organisme à l’insuline. Le chercheur conseille du renforcement musculaire pour préserver ses muscles, et un entraînement en endurance pour encourager l’organisme à puiser dans les graisses.

Maigrir. Perdre quelques kilos peut rétablir la sensibilité à l’insuline. "Cela a été bien montré dans la chirurgie de l’obésité. Chez ces patients, l’insulino-résistance s’écroule", constate le Pr Froguel.

Limiter les glucides. "Il faut vraiment faire attention aux glucides que l’on consomme", met en garde le diabétologue. "Dans l’alimentation moderne, certains glucides sont absorbés très rapidement. Ils font monter très vite la glycémie et entraînent une hyperproduction d’insuline. C’est le cas par exemple du pain industriel, du riz blanc ou encore de la purée. Préférez les céréales complètes et les légumes qui ralentissent le transit". Le Dr Bikman conseille, dans son livre, de vérifier la charge glycémique des aliments (à savoir la quantité de glucides contenus dans l’aliment et susceptible de se transformer en glucose dans le sang). Un indice plus précis que l’index glycémique (mesure de la vitesse à laquelle les glucides sont décomposés en glucose).

Et le jeûne intermittent ? Prendre des repas moins nombreux et plus copieux améliore la résistance à l’insuline. Faut-il pour autant adopter le jeûne intermittent ? "S’il est très efficace chez la souris, c’est plus discuté chez l’humain", remarque le Pr Froguel. "Sauter le petit-déjeuner n’a pas prouvé son efficacité. En revanche, faire un jeûne de 10h/12h la nuit en prenant un dîner tôt (vers 19h) et un petit-déjeuner pas trop matinal (7h/8h) permet de mettre l’organisme au repos."

Quelle est la part de l’hérédité dans la résistance à l’insuline ?

De nombreux gènes interviennent dans l’action de l’insuline. Si vous avez un parent qui a du diabète, vous avez 30% de risque d’avoir un diabète. Grâce à nos algorithmes, on peut calculer précisément ce risque en fonction de chaque personne, ainsi que l’âge auquel on risque de le déclencher. C’est très important car les conséquences d'un diabète à 40 ans ou à 70 ans ne sont pas les mêmes (plus de risques de maladies rénales, d’AVC…).

Merci à Pr Philippe Froguel, professeur de diabétologie au CHU de Lille, chercheur en biologie moléculaire et génétique.

Test : êtes-vous résistant à l’insuline ?

- Avez-vous plus de graisse autour du ventre que vous ne le souhaiteriez ?

- Souffrez-vous d’hypertension artérielle ?

- Avez-vous des antécédents familiaux de maladie cardiaque ?

- Avez-vous un taux élevé de triglycérides dans le sang ?

- Faites-vous facilement de la rétention d’eau ?

- Avez-vous des taches foncées sur la peau, ou des petites bosses (taches brunes) au niveau du cou, des aisselles et à d’autres endroits ?

- Un membre de votre famille présente-t-il une résistance à l’insuline ou un diabète de type 2 ?

- Souffrez-vous du syndrome des ovaires polykystiques ?

Si vous avez coché 1 réponse vous souffrez probablement d’une résistance à l’insuline.

A partir de 2 réponses, vous souffrez certainement de résistance à l’insuline.

Pour confirmer une résistance à l’insuline, il faut calculer l’indice HOMA, à partir de la mesure de

la glycémie et l’insulinémie à jeun.

Extrait du livre Résistance à l’insuline, Dr Benjamin Bikman, ed. Thierry Souccar

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2025-03-01T06:58:01Z