COURIR SUR TAPIS OU EN EXTéRIEUR : QUELLES SONT VRAIMENT LES DIFFéRENCES ET COMMENT CHOISIR ?

Tiraillés entre le plaisir de l'effort au grand air et le doux ronron du tapis de course ? Quelques éléments concrets pour vous aider à faire le bon choix.

Et vous, vous préférez quoi, avaler les kilomètres en extérieur ou sur tapis ? La monotonie rebutante de la machine et le plaisir des foulées nez au vent pour les uns... Le besoin d'un petit cocon et d'un sol souple afin de chouchouter ses articulations pour les autres... À chaque runner ses « pour » et ses « contre » au moment de choisir son environnement.

Mais l'affaire ne relève pas des seules préférences personnelles. Au-delà du ressenti, des différences concrètes existent entre le fait de courir en extérieur et sur tapis, celles-ci pouvant impacter l'effort, voire le risque de blessures. D'où l'intérêt d'une petite étude comparative.

Une dépense énergétique variable

Commençons par répondre à cette question aussi récurrente qu'essentielle : laquelle des deux pratiques est la plus énergivore ? En février 2020, un groupe de scientifiques a observé les performances de 74 runneuses chinoises âgées de 48 ans à différentes vitesses de course. L'étude démontrait qu'au-delà de 8 km/h, la dépense énergétique en extérieur était supérieure à celle effectuée sur tapis.

Romain Rodicq, kinésithérapeute et ostéopathe à Noisy-le-Roi (Yvelines), n'est pas surpris : « Il est clair que le caractère motorisé du tapis facilite la course du runner », énonce le praticien. En théorie, lorsqu'on court, la pression des pieds au sol et la force de propulsion des muscles permettent au corps de se déplacer. Sur tapis, en revanche, la bande emmène nos jambes vers l'arrière, ce qui réduit l'effet de propulsion. « Certes, nos muscles s'activent, mais comme on est entraîné, on a moins d'effort de gainage à fournir pour résister », poursuit-il.

D'autres paramètres interviennent dans le calcul de la dépense énergétique selon que l'on court sur un tapis ou « outdoor ». La température ambiante, par exemple. « La chaleur accumulée au niveau du corps s'évapore plus facilement quand on est dehors, l'espace n'y étant pas chauffé comme dans une salle, explique Amina Fouzai, médecin du sport, spécialiste de la traumatologie du sportif à Neuilly-Plaisance (Seine-Saint-Denis). On aura donc chaud plus vite dans une salle de sport ». Dans un environnement clos, l'augmentation de la température corporelle « fait grimper la fréquence cardiaque et ainsi la dépense énergétique du coureur », reprend Romain Rodicq.

Autre facteur déterminant : le vent. « En athlétisme, il peut aider, lorsqu'il est dans le dos, ou nous ralentir s'il est pris de face », poursuit le soignant. L'absence de vent en intérieur facilite donc la résistance du coureur. Selon des travaux menés en 1996 par des chercheurs de l'université de Brighton (Angleterre), la différence de dépense énergétique entre le tapis et l'extérieur n'interviendrait cependant qu'à partir de 13,5 km/h, à hauteur de... 1 %. Pour accentuer la difficulté de l'exercice sur une machine, certains entraîneurs conseillent donc à leurs élèves d'imposer à leur tapis une inclinaison de 1 %.

Le bitume, plus traumatisant que le tapis

Par l'étendue des possibilités qu'il offre, celui-ci est néanmoins un outil intéressant pour le runner, même aguerri. « La machine permet de créer un programme personnalisé, de mesurer son rythme cardiaque, de varier le dénivelé ou la vitesse du tapis, liste Romain Rodicq. Cela représente un gros avantage après une blessure. »

Médecin auprès de sportifs de tous niveaux, Amina Fouzai préconise ainsi le tapis pour prévenir les bobos. « Je me souviens qu'après la pandémie de Covid-19 (le dernier confinement en France dû à l'urgence sanitaire s'est achevé le 3 mai 2021), les débutants en course à pied avaient afflué, victimes d'un grand nombre de pathologies, notamment des articulations en vrac. Il s'agissait de personnes ayant commencé à courir dans la rue parce que c'était alors le seul moyen de faire du sport. Or, il vaut mieux éviter de courir sur bitume, même pour trente minutes ».

Surface très dure, l'asphalte provoque en effet « davantage de microtraumatismes ». Foulé à outrance, il suscite « des douleurs lombaires plus ou moins sciatiques, des syndromes rotuliens, et donc des pathologies au niveau du genou et bien sûr, des tendinites d'Achille ». Qu'ils soient pros, semi-pros ou amateurs, Amina Fouzai suggère aux sportifs qu'elle accompagne vers une réathlétisation « de choisir un entraînement sur tapis ». Courir à l'extérieur viendra ensuite. « En cas d'inflammations ou de chocs à répétition, le tapis a un effet amortisseur qui permet une reprise progressive et moins traumatisante », abonde Romain Rodicq.

À ceux qui ne disposent pas de machine à proximité ou que l'idée de pousser la porte d'une salle de fitness rebute, Amina Fouzai propose d'opter pour des sols moins agressifs et plus souples que le macadam, comme « les pelouses de stade » ou « les pistes d'athlétisme », de préférence en terrain sec, afin d'éviter les glissades.

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La descente, grande oubliée du tapis

Tout utile qu'il puisse être, le tapis a ses limites. Parmi elles, la monotonie de sa trajectoire rectiligne, qui restreint le nombre de muscles mobilisés par l'effort. « À l'inverse, quand on court en forêt, on active les stabilisateurs latéraux des chevilles, ces muscles qui nous empêchent de subir des entorses », précise Romain Rodicq.

La variété du terrain extérieur, notamment les virages, oblige le corps à des torsions et fait travailler le moyen fessier. Bosses, obstacles et autres trous s'invitant sur l'asphalte ou en forêt ne manquent d'ailleurs pas de vertus. En 2022, une étude conjointe de l'université de Gandhinagar, en Inde, et de l'université Andrés Bello de Santiago, au Chili, a démontré que la course en extérieur préservait mieux l'état de forme du runner et avantageait la masse musculaire de ses jambes.

L'autre reproche que l'on peut faire au tapis de course est de ne pas préparer au travail de descente, « lorsque le corps, pris par la vitesse, essaye de réguler celle-ci grâce aux quadriceps, aux muscles tibiaux et à la cheville », complète Romain Rodicq. Ce travail de « contraction excentrique » est pourtant crucial pour le runner, d'autant plus sur longue et très longue distance, car il permet de se familiariser avec le dénivelé négatif.

L'idéal : varier les plaisirs

Une option intéressante est de passer de l'indoor vers l'extérieur, mais de le faire en douceur. « En trail, l'idéal reste de se confronter à des terrains accidentés et à des variations de niveau, conformément aux conditions de la course, confirme Amina Fouzai. Le tapis peut être utilisé, mais comme un outil complémentaire. »

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Pas d'interdit, donc, ni dans un sens, ni dans l'autre. « J'essaye de ne pas limiter mes patients, rappelle Amina Fouzai. Si un sportif préfère vraiment courir dehors, on s'adapte à lui afin de lui éviter une blessure. » En lui suggérant par exemple d'adopter une semelle amortissante en gel ou conçue à l'aide d'un podologue.

Autre principe vertueux, celui de l'alternance avec des sports qui évitent de solliciter à l'excès les membres et les articulations. « On pense souvent au tapis et à la course à pied pour le cardio, mais il y a aussi le rameur, la natation, le vélo... en réalité, on a l'embarras du choix. » Alors, plutôt que de rester dans l'affrontement entre tapis et extérieur, une solution : varier les plaisirs !

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