UNE PRESTIGIEUSE EXPOSITION FLORALE EST PRISE D’ASSAUT PAR LES “MAUVAISES HERBES”

Orties, pissenlits, ronces : les mauvaises herbes se sont invitées cette année dans les jardins spectaculaires du célèbre Chelsea Flower Show de Londres, plus que jamais soucieux de biodiversité et de développement durable.

Quelque 145 000 visiteurs, dont le roi Charles III et la reine Camilla, étaient attendus le week-end dernier, pour admirer ses jardins spécialement plantés pour l’occasion, découvrir les nouveautés, les tendances, et tout ce qui fait de cette exposition organisée par la RHS (Royal Horticultural Society) l’une des plus prisées au monde.

En 2022, la médaille d’or était allée à un jardin célébrant le ré-ensauvagement après la réintroduction de castors dans le sud-ouest de l’Angleterre.

Cette année, un tiers des 12 principaux jardins en compétition ont inclus orties, centaurées, pissenlits, mouron ou boutons d’or, que des générations de jardiniers ont pourtant appris à arracher pour éviter leur propagation.

Cleve West, paysagiste six fois médaille d’or au Chelsea Flower Show, a introduit 19 espèces de mauvaises herbes dans son jardin pour l’Association Centrepoint qui s’occupe de jeunes sans-abri, pensé autour d’une ruine. Une parfaite métaphore selon lui pour ces jeunes SDF.

“Les mauvaises herbes jouent un rôle très important dans la réparation des terres. Ce sont les premières qui s’installent. Ce sont des pionnières, elles ont une activité microbienne qui aide à assainir les sols, à les rendre fertiles. Elles fournissent de la nourriture aux premiers pollinisateurs, abritent certains invertébrés”, explique-t-il à l’AFP, avant d’ajouter qu’elles “jouent un rôle très important pour la biodiversité”.

C’est la première fois qu’il en plante dans un jardin en compétition. Il se dit fasciné par “toutes les formes de vie qu’elles soutiennent” et invite les jardiniers amateurs à leur garder un espace s’ils le peuvent pour “découvrir la façon complexe dont les plantes sauvages poussent ensemble”.

“Herbes résistantes”

Jilayne Rickards a conçu le jardin “Faune et Flore” qui invite à un éco-treck dans les montagnes des Virunga au Rwanda sur les traces des gorilles, avec une cascade spectaculaire.

“Les orties, les ronces, les chardons font partie de leur habitat et de leur diète”, dit-elle. Elle en a donc planté au Chelsea Flower Show, qu’elle a fait pousser en Cornouailles, dans le sud-ouest de l’Angleterre. Elle insiste aussi sur “leur rôle dans la vie sauvage et la biodiversité”.

“Nous passons beaucoup de temps à les arracher dans notre jardin mais elles aiment être là, elles n’ont besoin de rien, plutôt que de planter des choses qui vont avoir du mal à pousser”, dit-elle en soulignant aussi la beauté de certaines fleurs sauvages considérées comme des mauvaises herbes.

Un autre jardin, conçu par le paysagiste Tom Massey, est consacré au rôle et à la compréhension des insectes avec un dôme laboratoire. Là encore les mauvaises herbes y ont leur place dont des pissenlits et des trèfles.

Cette célébration des mauvaises herbes, parfois rebaptisées “herbes résistantes”, ne fait pas cependant l’unanimité alors que le Chelsea Flower Show est connu pour la créativité et la beauté méticuleuse de ses jardins, et la qualité des plantes exposées.

Le Daily Telegraph, quotidien conservateur, titrait récemment: “la guerre contre les jardins traditionnels va devenir nucléaire”.

Alan Titchmarsh, paysagiste célèbre et vice-président de la RHS a aussi regretté dans Country Life magazine que la mission de l’organisation de récompenser l’excellence était “obscurcie” par le besoin de montrer que les jardiniers sont “des gens dynamiques avec un doigt sur le pouls environnemental actuel”, plutôt que des “traditionalistes purs et durs”.

Les mauvaises herbes n’ont pourtant pas tout envahi.

Les 12 principaux jardins en compétition – sur un total de 36 – utilisent en moyenne 3 000 plantes différentes, les plus petits (dédiés aux balcons et plantes en pots) une centaine.

Les thèmes vont des plantes comestibles – avec un chef les utilisant pour préparer des repas – à l’éco-treck africain, en passant par les plantes médicinales coréennes, le bien-être et l’écoute.

Le recyclage de matériaux y est omniprésent, et aucun plastique à usage unique n’y est autorisé, pas plus que les gazons ou fleurs artificiels.

Tous les jardins seront aussi recyclés, donnés par exemple à un hôpital ou une collectivité.

(AFP)

2023-06-03T10:03:58Z dg43tfdfdgfd